«Et même si c'est douloureux. Et même si ça fait mal je suis heureux de sentir encore mon cœur battre.»

Dit moi, pourquoi toutes les journées se ressemblent ? Pourquoi il m'est si dur de m'endormir, mais tout aussi dur de me réveiller ? Une nouvelle fois le soleil se lève et vient m'aveugler. Je me réveille allongé sur cette plage qui fut mienne durant toute la nuit. Je me demande pourquoi je me suis éloignée de la rive, j'aurais pu mourir noyer dans mon sommeil, l'une des plus belles mort qui soit non ? J'agis peut-être inconsciemment. Je ne me souviens pas d'hier et je crois que je n'ai pas envie de m'en souvenir. Aujourd'hui sera bien suffisant. Je tâte le sol à la recherche de ma veste noire afin d'y récupérer mon téléphone portable. Onze heures. Il est onze et la journée n'est pas prête de se terminer. Mes deux mains sur le sol, je me relève tant bien que mal avant de quitter cet endroit d'un air sinistre et las.

Je n'ai aucune idée d'où je vais. Je traîne les pieds, ma veste dans l'une de mes mains. Je sens que mes cheveux sont en pagaille et probablement plein de sable et j'essaye de les arranger comme je le pouvais avant de pénétrer dans le bar. C'est étrange, car la première pièce que je visite une fois à l'intérieur son les toilettes. J'ai besoin de voir ma tête. Mes deux mains sur le lavabo, j'ai peur. Peur de voir la tête que je me paye ce matin, mais ce n'est rien contrairement à ce que je subis tous les jours. Je passe mes doigts sous mes yeux afin d'enlever les traits de crayons noirs qui n'avaient pas tenu durant mon court sommeil avant d'en ressortir.

Personne. Voilà le nombre d'habitants dans ce bar. Peut-être était-il trop tôt, mais il y avait-il réellement une heure pour se mettre à une table et siroter un verre ? La porte claqua à nouveau pour y laisser entrer un jeune homme qui ne devait pas être plus vieux que moi. Grand, musclé, un air de bad boy, il avait l'air d'avoir passé une bonne soirée -du moins si lui aussi pouvait sans souvenir. Je ne trouvais rien de mieux à faire que de m'asseoir à ses côtés commandant mon premier verre de la journée. « Une Téquila s'il vous plaît » Je jetais un bref coup d'oeil à cet homme, mais n'avait en aucun cas envie de m'y attarder. Mon verre devant moi, j'y plongeais mes trois pilules du matin. Secouant mon verre, je gardais mon regard fixé dans le vide, mon esprit totalement ailleurs, car je voulais être ailleurs.

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«Et même si c'est douloureux. Et même si ça fait mal je suis heureux de sentir encore mon cœur battre.»

Qu'est-ce qu'il a à me fixer ? Ai-je encore du sable dans les cheveux ? J'étais pourtant persuadée d'avoir tout enlevé. Par réflexe je passais ma main qui ne tenait pas mon verre, dans mes cheveux. Rien. Je n'avais rien excepté des noeuds. Je sentais son regard persistant sur moi. Je serai mon verre un peu plus dans ma main, ne le lâchant pas des yeux. C'était fascinant de voir ces trois petites pilules sombrer au fond du verre en espérant peut-être, être sauvée elle aussi. Mais qu'est-ce que je raconte ? Ce n'était que de vulgaire pilules néfastes et elles n'étaient en rien dotées d'une vie mortelle. Encore moins une fois dans mon ventre.

J'entendais le bruit du verre se déposer tout doucement sur le comptoir du bar encore tout propre dû à l'heure matinale. Plus les minutes s'écoulèrent, plus je passais mes nerfs sur le récipient qui contenait mon alcool à présent déjà à moitié liquidé. Combien de minutes s'étaient écoulées avant que je décide de lâcher prise pour déposer mon regard sur ce jeune homme. Je ne m'étais pas trompée. Il était là, assis sur sa chaise avec son verre de whisky devant lui. Et son regard. Oui, parlons-en de son regard. Ses yeux n'avaient rien d'exceptionnels. Ils étaient marron clairs, mais fascinant. Je ne regardais rien d'autre mis à part ses yeux, car je m'en foutais du reste. Il était posé là, à me regarder depuis je ne sais combien de temps. Je ne m'étais pas trompée. Un regard insistant qui avait l'air de savoir ce qu'il voulait. Il voulait jouer à ça ? Nous allions jouer. Ou peut-être allais-je jouer toute seule.

Mon regard clair, encore fatiguée, non par le manque de sommeil, mais plutôt de la vie, mon maquillage qui était loin de ressembler à celui des poufiasses de la plage, ils brillaient. Oui, sûrement à cause du traitement que je m'imposais. Je n'en avais rien à foutre du look que je pouvais me payer, même face à un canon de beauté. Ouais, j'assumais amplement d'avoir toujours préféré les baskets aux talons, les coupes en pétards que le brushing ou les permanentes et un maquillage noir charbonneux plutôt qu'une palette entière sur mon visage. Oui, la simplicité était ma meilleure amie et il y avait quoi de mal à ça ? Dit moi, tu crois que je suis normal ? Toutes les filles de mon âge se seraient mise à courir dans les toilettes les plus proches pour se refaire un look intégrale dans l'espoir de baiser ce canon. Elles auraient surtout déjà sorti quelque chose de leur bouche afin de faire passer le message : « J'ose te parler, je n'ai pas un ballai dans le cul et si tu veux je peux même te passer mon numéro ».

Rien de tout ça. Je ne faisais absolument rien de tout ça. Mes yeux étaient toujours plongés dans les siens et je me ferais sans doute bientôt passé par une psychopathe, mais c’était lui qui avait commencé. S’il avait quelque chose à me dire, qu’il me fasse part de ses pensées, mais je n’étais pas décidée de dire un mot. J’aime le silence. Pour moi c’est la chose la plus magique qu’il puisse exister. Ce sont dans ces moments-là qu’on arrive à prouver que nous sommes tout à fait capables de s’exprimer d’une toute autre manière que part des paroles futiles qui sonnent probablement faux. Par un regard par exemple. C’est pour quoi, mon verre dans ma main, je ne le lâchais pas d’une seule seconde, n’ouvrant la bouche que pour vider mon verre.

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