1995 - Honolulu
C'est un de mes premiers souvenirs. J'étais dans une jolie maison, avec cinq autres enfants et un chien, la « maman » de la famille était en train de préparer à manger, le père devant la télé et les gosses -dont moi- dehors. J'étais la petite nouvelle de la famille. Je tenais très bien sûr mes jambes et je ne me laissais pas faire, quand un garçon essaya de m'arracher la balle des mains, je l'ai croqué sur le bras, lui laissant une bel empreinte de ma dentition et il est parti se plaindre à la mère qui soupirait. Elle part me chercher par les cheveux -je vous assure- je me rappelle encore la douleur. Elle me forçait à m'asseoir dans le canapé et elle commença à me hurler dessus comme une furie. Même son mari ne bronchait pas et je voyais le grand de sept ans ravi. « T'es vraiment une barbare Khaleesi, qui sait qui t'a élevé ? » je croisais les bras, ne disant rien, je la laissais parler sauf qu'au bout d'un moment, teigne comme je suis, je lui hurlais. « Je veux ma maman, toi tu ne l'es pas ! » elle me regardait avec un sourire provocateur, elle se fout à ma hauteur et me dit vraiment calmement. « Ce n'est pas possible, tu n'en as pas, Vas dans ta chambre, t'es punie et ne compte pas manger ce soir. » Je m'en étais pris à un de ses seuls enfants biologique, je partis vexé, je voulais partir de cet endroit. Je voulais ma maman, comme tout le monde. Mais ce que j'avais connu petite, c'était les services sociaux, on m'avait changé de famille sans raison. Résultat, je me retrouvais avec une hystérique qui n'aimait que ses enfants. Avec du recul, elle faisait sans doute ça pour l'argent. Petite, je ne me démontais pas. La vérité sort de la bouche des enfants, quelques mois plus tard, elle a appelé les services sociaux pour qu'ils me reprennent, je n'étais pas assez docile et facile à manipuler, je ne voulais pas me plier à ses ordres alors ça n'a pas plut à madame. Où était ma maman ? Je n'en avais aucune idée, tout ce que je sais, c'est qu'elle m'a abandonné à la naissance et m'a laissé à la charge des services sociaux. Du coup j'étais condamné à trouver quelqu'un qui veuille bien de moi, ce n'était pas gagné.

2001 - Seattle
« Voici ta nouvelle maison. » je me tournais sans expression, on me l'avait sorti trop souvent ça, au final, je ne restais pas. On me fit entrer à l'intérieur et j'avançais en croisant les bras, j'avais peut-être neuf ans, mais j'ai grandi plus vite que les autres, mon innocence, on me l'a prise dans ces foyers où l'on m'a placé, étant quelqu'un de têtue, j'adorais avoir raison et surtout, mon sourire provocateur et mes petites crises d'existences poussaient les gens à appuyer sur la touche next. Les Wilson étaient un jeune couple sans enfants, depuis bien longtemps j'avais quitté Hawaii et j'ai voyagé dans le pays. Le Texas, l'Arizona et maintenant, je suis à Seattle, je les suis silencieusement et il me montre la chambre, c'est joli. C'est mieux que certaines chambres où j'ai vécu, ils ont l'air visiblement heureux, moi, je suis sur ma réserve. « Tu verras, tu vas te plaire ici ! » me dit le jeune homme en posant sa main sur mon épaule, je me dégage en disant « Merci, je connais la chanson. » lui fis-je avec un peu de rancoeur pour mes autres familles, je n'avais plus confiance en personne. J'avais l'impression d'avoir un problème et d'être une pestiférée. J'ai pris mes patins à roulettes et j'allais en faire alors dans le jardin, cadeau d'une de mes anciennes familles et par chance, elle m'y allait bien encore. Je me suis vraiment découvert une passion pour le skate et les patins, mais aussi pour la musique.

Avec les Wilson, on a eu du mal à se connaitre. J'étais distante au tout début, on se disputait parfois, mais au final, je ne regrette pas, ils n'ont jamais baissé les bras contrairement à d'autre personne et au final, j'ai réussi à trouver ma place avec beaucoup de temps. Les Wilson ont été sans doute ma meilleure famille. Ils m'ont présenté à leur famille et à leur nièce : Aaliyah. Le feeling est tout de suite bien passé entre nous. On a commencé à jouer directement ensemble, au final, c'est devenu ma cousine, on est proche et je l'adore toujours autant. Elle est très intelligente et je suis fière d'elle. Deux ans après mon arrivée chez eux, ils ont engagé une procédure d'adoption. A 12 ans, je devenais Khaleesi Wilson. J'avais enfin trouvé une famille. Et en plus, c'était les meilleurs parents du monde. Cette même année, j'ai eu ma première guitare. Cela a été le début d'une longue histoire d'amour entre elle et moi.

2006- Seattle
Sur mon skateboard, je me promenais dans les rues de Seattle. Le moins que l'on peut dire, c'est que je ne suis pas une fille comme les autres. J'étais plus pote avec les garçons qu'avec les filles, on avait plus de sujets de discussion et puis je suis très taquine. J'adore les jeux vidéos, faire du skateboard, du patin à roulettes, regarder le football à la télé. J'avais aussi mon côté coquette quand même. Je me maquillais un peu déjà, avec mes parents, on s'entendait toujours aussi bien et je leur étais reconnaissante, ça ne m'empêchait pas d'avoir essayé de faire le mur pour aller à une fête à trois heures du matin. J'ai passé un sale quart d'heure. Bref, j'avais rendez-vous avec une copine -oui vous avez bien lu- à la plage seulement, en roulant, je reçue un ballon que j'attrapais au vol, je manquais de tomber avec ma planche. « Faites attention ! » marmonnais-je tandis que je vis une ombre se déplacer et venir vers moi. « Tout va bien ? » me dit le garçon avec ses lunettes de soleil. « Sympa la planche ! Tu viens faire du beach-volley avec nous pour nous faire pardonner ? » je le regarde en disant « Et puis quoi encore, tu ne t'excuses pas ? » je ne me démontais pas et j'avais toujours le ballon dans les mains. « Ca va je ne vais pas me mettre à genou non plus puis tu n'as rien. » je le regardais avec un air choqué, non mais sérieusement. Il ne manquait pas d'air celui là, vraiment. « Bah alors, compte même pas revoir ton ballon ! » il essayait de me le prendre, mais je le casais bien contre moi, de manière à avoir toute mon emprise sur son ballon, il soupirait en disant « D'accord, je suis désolé ! Ca te va la naine ? » Oui, il était sans doute plus âgé que moi. Je lui rendais son ballon sans un mot, je posais ma planche par terre puis je partais, sans un au revoir ni un bonjour.

Une rencontre qui a bouleversé ma vie parce que je l'ai revu et il était dans mon lycée. J'ai failli m'étouffer le premier jour où je l'ai vu et il m'a reconnu. Il était en avant dernière année, tandis que je commençais seulement. Les premiers mois, on faisait tout pour se pourrir la vie. On s'insultait et il ne me faisait pas peur. Pourtant, c'est ce qu'il cherchait. Combien de fois, j'ai été punie, collé et mes parents me faisaient la guerre à la maison ? Il y a des fois aussi où l'on faisait du skate, on jouait à la console ensemble, à lutter main dans la main pour tuer des zombies. Ca ne m'a jamais empêché de lui rendre la monnaie de sa pièce. Il y a des jours où on s'entendait très bien et des jours où l'on se faisait la guerre. Encore plus quand j'avais un copain et lui une copine, on était moins disponible l'un pour l'autre, mais nous n'étions pas amoureux. Aaliyah disait souvent qu'on jouait au chat et à la souris. C'est vrai mais ça nous convenait.

2008 - Seattle
Ma quête d'identité était vraiment importante pour moi. J'aime les Wilson comme ma propre famille, mais j'ai beaucoup de questions à poser à ma vraie mère. Pourquoi m'a-t-elle abandonné et laisser dans un calvaire avec des familles pas forcément aimantes. Pourquoi ne m'a-t-elle jamais recherché ? Ca devenait une obsession pour moi en grandissant, j'avais besoin de réponses pour avancer. Je devais l'annoncer à mes parents, je me rappelle encore ce soir-là. Thanksgiving approchait. Je croisais mes jambes et mes mains sur mon genou. Moi et la diplomatie cela a toujours fait deux alors, je leur ai annoncé brut de pomme. « Je veux retrouver ma vraie mère ! » mon père a recraché toute la bière sur le sol, il ne s'attendait pas vraiment à ça, ma mère elle, elle a juste bloquée pendant de longues secondes. « Tu n'es pas heureuse avec nous Khalee ? » me demanda ma mère avec une pointe de tristesse. Je bougeais la tête de gauche à droite. « Je suis très heureuse avec vous, mais j'ai besoin de réponses. Je la déteste mais peut-être qu'elle avait une bonne raison et je veux lui raconter ce que j'ai vécu pour qu'elle culpabilise un peu. » Heureusement qu'ils étaient là, ils étaient abasourdis, mais ils ont promis de m'aider. Le soir, j'allais composer quelque chose sur ma guitare, quelque chose de sombre et qui me ressemble.

2011 - Hawaii
Il m'aura fallu trois ans pour la retrouver. Les services sociaux ont eu du mal à nous lâcher un nom et le temps de faire toutes les recherches. Mes parents et moi avions pris un vol pour Hawaii, elle savait que je venais pour quelques jours, enfin surtout pour la rencontrer, je lui avais téléphoné et elle en avait pleuré. J'étais heureuse, sans l'être. J'étais dans un café, mes deux parents en retrait, mais pas loin derrière moi, je voulais qu'il vienne, mais il a refusé, prétextant ses études. De toute façon, on n'était pas ensemble. Elle arrivait enfin et elle me ressemblait, elle me serra dans ses bras, je le fis aussi avec un peu plus de mal. « Tu es ravissante ! » souffla-t-elle, je lui fis un petit sourire puis elle commanda un café. J'étais stressée par cette rencontre. Notre conversation commençait doucement et ça m'énervait. Je voulais des réponses, je rentrais directement dans le vif du sujet une demi-heure après. Lui demandant pourquoi elle m'a abandonné, elle a baissé la tête, sans répondre. Je voulais savoir alors je l'encourageais à me dire la vérité. Elle me répondit simplement qu'elle était trop jeune. Je me levais d'un bond en disant « Et t'étais où les neuf autres années ? Tu ne sais même pas ce que j'ai vécu par ta faute. Neuf ans de malheur, à changer de famille en famille, tu n'as même pas cherché à me revoir ou à me récupérer et là tu m'apprends quoi ? Que tu as trois enfants et que ton mari n'est pas au courant que tu as un autre enfant ? Tu as honte de moi à ce point-là ? » Ce n'était pas vraiment la réponse que j'attendais et ça faisait mal. Je partais en furie, je ne voulais plus. Ca faisait trop mal, mais au moins, je l'avais mon explication. Je passais le reste de mon séjour à me dépenser, faire du sport, du skate, jouer des mélodies assez tristes et même m'essayer au surf, j'étais une boule d'énergie, j'avais besoin de me dépenser.

2012 - Seattle
« Je m'en vais, alors ta dernière chance de me retenir, c'est maintenant ! » lui dis-je tandis qu'il était en pleine partie en ligne. On était en froid depuis plusieurs mois, il n'avait pas apprécié le fait que j'avais voulu me poser avec quelqu'un de réellement gentil et qui prenait soin de moi. Il m'a fait la guerre et au final, c'est toujours un peu tendu. On n'a jamais été ensemble, mais je sais que je l'aimais, mais là, j'avais besoin de changer d'air, en plus ma mère biologique ne cesse d'essayer de se faire pardonner. Un emploi de réceptionniste dans un hôtel au Bahamas s'est libéré, j'ai postulé sans hésitation. Je croisais les bras, en attendant une réaction. Il se retournait vers moi, vite fait en disant « Déconne pas, ta vie c'est ici ! Tu as tes parents, tes potes.. » super l'argument. En même temps, c'était tellement lui, pourquoi je m'attendais à mieux. « Non, elle est au Bahamas désormais. » il se levait, il voyait ma détermination. J'allais partir sans lui. Je voulais me détacher de tout et de tout le monde. Il me regardait et il me prend simplement dans ses bras, c'est tout. Comme une pote alors qu'il y a quelques mois, il m'avouait à demi mot être jaloux de mon ex. « Au revoir ! » lui lançais-je un peu froidement et déçue. Je le détestais, mais au final, il avait sans doute raison, c'était mieux comme ça, ce serait moins difficile. Partir travailler dans un endroit paradisiaque, oh oui, je le voulais. Je venais pour passer la porte de son appartement mais je sens ses mains venir sur ma taille. Il m'embrassa comme jamais et la suite vous la connaissez. Le lendemain, il ne m'adressait pas un mot, juste un au revoir et sois heureuse.Enfaîtes, sa froideur hier était beaucoup mieux, c'était plus dur maintenant, une semaine après ça, je prenais mon vol pour les Bahamas avec la ferme intention de m'amuser, de rester moi-même, ma guitare, mon skateboard sont bien sûr de la partie. En un an, rien n'a changé, j'ai pris mon poste et je m'intègre doucement dans le complexe de l'hôtel. J'ai des amis, ma cousine qui m'a rejoint, des gens avec qui je m'entends forcément moins bien, mais disons que ça fait partie de la vie. Ca n'enlève pas ma bonne humeur et ma joie de vivre, ainsi que la petite boule d'énergie qui est en moi. En tout cas, une chose est sûre, je ne regrette pas mon choix et je suis complètement épanouie.