Ce matin, après le réveil des enfants et le petit-déjeuner, j’avais décidé de payer une visite à ma grande sœur à l’hôtel. J’essayais d’aller la voir le plus souvent possible depuis que je l’avais trouvée complètement saoule à la plage un matin, afin de m’assurer qu’elle allait bien, et tenter de l’aider dans ce moment difficile qu’elle passait avec son petit-ami, chose que je pouvais tout à faire comprendre. Toutefois, avant d’arriver à son appartement, j’étais allée prendre des muffins et autres viennoiseries afin que du café chaud afin de passer un petit moment en sa compagnie, histoire de lui changer les idées si possible, ne serait-ce que pour une heure ou deux. Cela ne l’aiderait peut-être pas à régler la totalité de son problème amoureux, j’en étais parfaitement consciente, mais si ça pouvait l’aider à être moins triste ne serait-ce qu’un instant, alors je m’en montrerais satisfaite.

Après environ deux heures à avoir discuté, mangé et plaisanté entre sœurs le plus possible, je pris congé de Naïs en lui faisant promettre encore une fois de m’appeler si jamais il y avait quoi que ce soit. Après l’avoir prise dans mes bras une nouvelle fois, j’étais sortie de son appartement et tandis que je longeais les couloirs, je pris mon téléphone portable afin d’envoyer un message à mon homme afin de voir comment tout se passait avec les enfants à la maison, mentionnant au passage que je serais à la maison dans quelques minutes afin qu’on puisse se retrouver tous ensemble pour le dîner et le reste de la journée par la même occasion. Lorsque je reçus une réponse de sa part, je venais tout juste d’arriver au rez-de-chaussée. C’est donc avec un petit sourire que je me dirigeai vers l’extérieur, jugeant préférable de passer du côté donnant accès à la plage et la piscine pour retourner chez moi, compte tenu du fait que j’étais venue à pied, ayant jugé préférable de laisser la voiture chez moi après être aller chercher ce qui nous avait servi de déjeuner à ma sœur et moi.

Cependant, pour une raison que je ne sus déterminer, un grand attroupement de gens m’empêchait d’emprunter le chemin que j’utilisais habituellement pour rentrer chez moi, maintenant beaucoup moins souvent qu’auparavant vu mon récent congédiement. N’ayant pas envie d’attendre trop longtemps, je piquai plutôt vers la piscine, sachant que si j’en faisais le tour, je pourrais éviter la foule et retrouver le chemin vers ma villa. Cependant, sans le vouloir, je me surpris à ralentir l’allure quand j’approchai de la piscine, mon ancien lieu de travail, ressentant constamment une nostalgie et une indécision quand j’y aboutissais, toujours sans savoir si l’envie était là d’y revenir un jour, vu comment je m’étais sentie mal quand on m’avait renvoyée. De plus, il y avait de mes amis qui étaient en service, et l’envie ne me manquait pas de les saluer. Cependant, je me ressaisis, choisissant comme excuse pourrie que je n’étais pas habillée pour la piscine, à savoir que je portais un short de jean et un haut léger dans les tons de violets. Alors que j’allais reprendre mon chemin, j’aperçus une femme qui semblait hésitante, qui semblait chercher quelque chose ou quelqu’un. Ce fut alors plus fort que moi; je m’approchai, et je lui demandai : « Excusez-moi, je peux vous aider ? », utilisant sans même le réaliser le même ton de voix dont je faisais usage quand j’étais encore employée.

Comme toute personne qui savait vivre, j’attendis quelques instants une fois avoir demandé à la femme si elle souhaitait avoir un coup de main de ma part, chose qui ne me dérangerait pas, compte tenu que les maîtres-nageurs semblaient déjà occupés et que je pouvais me permettre de prendre dix minutes de mon temps avant de rentrer chez moi. Cependant, je n’eus aucune réponse, et les secondes s’écoulaient de plus en plus, me donnant comme réflexe de reposer la question. Toutefois, avant que j’aie pu prononcer quelconque parole, la femme se tourna et m’aperçut, et moi, de mon côté, je remarquai les écouteurs dans ses oreilles tandis qu’elle s’excusait de les avoir, justement, expliquant son manque de réponse. L’espace d’un instant, je me sentis légèrement bête, et j’avais l’intention de m’excuser à mon tour d’être restée plantée là, selon ce qu’elle avait probablement remarqué puisqu’au niveau sonore, elle semblait avoir été coupée du reste du monde pendant un instant.

Par contre, si je me sentais idiote de ce qui venait de se passer, ce n’était rien à côté de ce que je ressentis quand mon interlocutrice commença à me dévisager. Mon premier réflexe ne fut pas de lui demander si tout allait bien, mais plutôt de me mettre à songer que j’aurais pu faire quelque chose de mal. L’avais-je insultée en lui demandant si elle voulait de l’aide, ou l’avais-je regardée d’une façon louche à cause de son fauteuil roulant qui ne me gênait aucunement, à vrai dire, vu tout ce que j’avais pu voir lorsque je travaillais à l’hôtel ? Incapable de placer quelconque mot, je commençai à me mordiller la lèvre, n’osant pas bouger tandis que la dame me regardait toujours. Puis, au bout de quelques instants, j’eus finalement la raison de ce moment légèrement gênant, à savoir que la femme semblait m’avoir reconnue, sans toutefois pouvoir mettre le doigt sur où et quand. Même si, avec politesse, j’esquissai un sourire, et je dis : « Oh, il n’y a pas de mal, je vous assure ! », je demeurai tout de même intriguée dans mon esprit. Si elle m’avait vue auparavant, alors de surcroit, je l’aurais vue, moi aussi, cela allait de soi. Mais où ? Moi non plus, je n’arrivais pas à mettre le doigt dessus. Peut-être devrais-je lui demander si cela faisait longtemps qu’elle était cliente de l’hôtel ? C’était difficilement possible de le faire avec gentillesse pour le moment, compte tenu que son attention était maintenant portée vers ton téléphone et que visiblement, elle envoyait un message à quelqu’un. Je pris donc mon mal en patience et je continuai de réfléchir, même si, au moment où mon interlocutrice se présenta, je n’avais toujours pas trouvé répondre à ma question. Peut-être cela viendrait plus tard, qui sait ? Je m’empressai alors de chasser furtivement ces interrogations de ma tête, répondant, toujours avec le sourire : « Je m’appelle Maïke, enchantée, ou rebonjour, je ne sais pas trop ! », terminant ma phrase avec un petit rire nerveux. Mais quelle cruche je faisais ! Peut-être avais-je fini par me faire à l’idée que je l’avais vue quelque part, il y a longtemps ? Je n’en savais rien, mais ce que je savais par contre, c’est que je me sentis assez gênée de mon comportement pour dire, après m’être quelque peu calmée : « Désolée, c’est sorti tout seul… »

J’avais toujours pensé que c’était impossible de ressentir ces deux émotions au même moment, mais lorsque Catherine me demanda de l’aider à entrer dans l’eau pour qu’elle puisse faire ses exercices, je me sentis à la fois enthousiaste et hésitante. Enthousiaste parce qu’elle ne m’avait pas demandé quelque chose que seuls les employés de l’hôtel pouvaient faire, et donc je n’aurais pas à lui annoncer à regret que je ne travaillais pas ici et que je repense à mon brusque renvoi duquel je tentais encore de me remettre, ne sachant toujours pas si revenir était une bonne idée ou non. De plus, cet enthousiasme n’était qu’amplifié par le fait qu’elle me demandait quelque chose que je savais à peu près faire, sachant que j’avais étudié approximativement dans ce domaine à l’université, considérant que la médecine sportive impliquait parfois de travailler avec des athlètes blessés, bien que ce n’est pas ce choix de carrière que j’avais envisagé dans ma vie.

Au fond, vu comme ça, j’avais toutes les raisons du monde d’accepter, sauf peut-être une, à savoir ce qui me faisait hésiter ; je ne connaissais pas la condition de la jeune femme devant moi, et je n’osais pas vraiment lui demander de peur de la blesser ou lui rappeler de mauvais souvenirs. Cependant, sans cette information, je pouvais difficilement lui venir en aide adéquatement en paraissant savoir ce que je faisais, compte tenu que je ne voulais pas être arrogante, ce qui n’était pas mon genre, et aggraver sa situation. Je n’avais pas envie d’être poursuivie, déjà que ma perte d’emploi me pesait sur le dos et j’avais déjà passé par ce processus, et recommencer n’était pas du tout dans mes envies. Par contre, je ne voulais pas laisser la dame en plan, alors que je lui avais proposé de l’aider quelques instants auparavant. De ce fait, je décidai d’affirmer quelque chose qui se voulait neutre, et qui me permettrait d’avoir les informations dont j’avais besoin avant de faire quoi que ce soit. Je dis, avec un sourire sympathique : « Oui, bien sûr. Qu’est-ce que je dois faire exactement ? »

Toutefois, avant que j’aie pu faire quoi que ce soit, Catherine reprit la parole, me demandant, à ma plus grande surprise, si j’avais joué au hockey à Denver il y a environ dix ans de cela. À sa question, je ne pus m’empêcher de rester un peu choquée, parce qu’en fait, le hockey n’avait jamais été quelque chose dont j’avais parlé avec beaucoup de gens et avec quoi j’avais gardé une tonne de contacts. J’avais joué un peu lorsque j’étais adolescente, surtout pour faire comme mes frères et parce que mon père mourait d’envie de diriger une équipe du quartier. Je n’avais joué qu’une saison, peut-être deux, persuadée que je ne ferais jamais carrière. Puis, j’avais décidé de ne plus jouer quand j’avais compris que ma vocation n’était pas avec des patins aux pieds et un bâton entre les mains comme attaquante d’une équipe de hockey, mais plutôt dans une piscine. C’était donc surprenant que cette jeune femme connaisse ce détail à mon sujet, et toujours sous l’effet de la surprise, je ne répondis pas l’espace d’une seconde, tentant de reprendre mes esprits avant de dire, un peu timidement : « Euh oui… Vous croyez que c’est là que vous m’avez vue ? »

Attentivement, j’écoutai les explications de Catherine sur comment je pourrais lui venir en aide pour entrer dans l’eau, histoire de ne pas faire de faux mouvement parce que je n’aurais pas prêté suffisamment attention aux consignes, si on pouvait appeler ça ainsi. Toutefois, bien rapidement, je réalisai que ce n’était pas bien compliqué ; je n’avais pas à la soulever de quelconque façon, simplement l’assister, d’une certaine façon. Je pouvais faire ça sans problème, je le savais, mais malgré tout, quelque chose me fit hésiter tandis que je tentais de visualiser ce que je m’apprêtais à faire dans ma tête ; il faudrait inévitablement que j’entre dans l’eau, et comme ce n’était pas dans mes plans pour le moment, enfin, pas à l’hôtel compte tenu que j’avais une piscine chez moi, je n’étais pas habillée pour ce faire. Finalement, après une courte réflexion, je décidai que ce n’était pas grave, que dans le pire des cas, je n’aurais qu’à mettre mes vêtements à sécher une fois à la maison. J’acquiesçai donc d’un signe de la tête, montrant que j’étais d’accord pour faire ce que la jeune femme m’avait demandé, puis après avoir dit « D’accord, laissez-moi juste une seconde. », je me penchai dans le but de retirer mes sandales de type spartiate, c’est-à-dire que je devais m’affairer à détacher trois boucles sur chaque pied. Je ne pouvais pas aller à l’eau avec mes chaussures.

Tandis que je m’affairais à détacher le tout, j’écoutai la jeune femme m’expliquer pourquoi elle pensait que nous aurions pu nous croiser quelque part entourant le monde du hockey que nous avions visiblement en commun à un certain point. Encore une fois, ce fut une surprise pour moi de l’entendre faire des suppositions qui étaient majoritairement vraies, et qui plus est, me permettaient de me remémorer certains éléments dont je ne me souvenais pas nécessairement, considérant le fait que le hockey n’avait jamais mon sport de prédilection. Maintenant que le tout me revenait plus clairement, j’esquissai un sourire une fois que je me fus débarrassée de mes chaussures, et je me relevai en disant d’un ton enjoué : « Non, vous ne vous trompez pas du tout, mon père a bel et bien été mon entraîneur, maintenant que j’y repense ! En fait, je n’étais pas sûre parce que… »

Ce fut alors automatique ; dès que je cherchai le regard de Catherine pour continuer mon propos et que je réalisai qu’elle avait les larmes aux yeux, je m’interrompis, non seulement parce que je jugeais que ce n’était pas poli de poursuivre, mais en plus, j’avais cette mauvaise impression que si elle était soudainement triste, c’était parce que j’avais dit quelque chose de déplacé sans le vouloir. Légèrement confuse, je me mordillai la lèvre pendant une seconde, jusqu’à ce que je lâche mon emprise avec mes dents et que cette mauvaise manie que j’avais depuis toujours se relâche progressivement. Comme si ce simple tic m’avait ramené à la réalité et m’avait fait comprendre que je me devais de dire quelque chose, je m’approchai de Catherine et me penchai légèrement pour être à sa hauteur, puis je demandai : « Tout va bien ? J’ai dit quelque chose qui ne fallait pas ? »

Une fois que j’eus terminé de détacher mes sandales, je les laissai sur une chaise longue près de la piscine avec mon sac à main, histoire de ne pas tremper mes effets personnels, j’approchai la chaise roulante de Catherine assez près de la piscine pour qu’elle puisse, je croyais, se lever et avancer jusqu’à la piscine, là où je serais pour l’aider à descendre les marches et arriver dans la partie la moins profonde de la piscine. Cependant, si je voulais être présente pour l’aider à descendre les fameuses marches, il fallait que je descende dans l’eau la première, et c’est exactement ce que je fis une fois que j’eus roulé légèrement le bas de mon short, histoire de ne pas trop le tremper, ou du moins gagner quelques pas avant que celui-ci entre en contact avec l’eau. Finalement, juste avant de mettre les pieds à l’eau, je me tournai vers Catherine, et histoire qu’elle ne pense pas que je prenne la fuite ou quelque chose comme ça, je précisai : « Je vais descendre un peu, je serai mieux positionnée ainsi. » avant de mettre un pied dans la piscine et descendre jusqu’à la troisième marche. Il n’y en aurait qu’une me séparant du fond de la piscine, ce qui allait raccourcir la distance, et avec un peu de chance, peut-être n’aurais-je même pas à me tremper jusqu’à la taille, et donc ne pas trop mouiller mes vêtements, même si ce n’était pas de la plus haute importance.

Ce dont je ne m’attendis pas vraiment par contre, ce fut d’être carrément propulsée à l’eau au moment où j’allais me retourner pour venir en aide à Catherine, qui avait été la première à tomber, justement. De ce fait, je n’eus pas l’occasion de voir ce qui s’était passé, étant trop occupée non seulement à remonter à la surface, tentant d’ignorer la douleur qui venait du fait que je m’étais superficiellement cogné la tête contre le rebord de la piscine, je m’empressai d’aller à la rencontre de Catherine afin de lui demander : « Est-ce que ça va ? » et lui donner un coup de main pour se remettre en place. Cependant, cela ne semblait pas être la première préoccupation de la femme que j’avais rencontrée il y a maintenant dix ans ; elle jugea préférable de me demander qui l’avait poussée. J’avais d’abord cru qu’elle avait glissé sur une marche ou quelque chose comme ça, mais visiblement, ce n’était pas le cas. Rapidement, je m’empressai de poser un regard sur le rebord de la piscine, et je ne vis personne susceptible d’avoir fait un coup pareil. Cela me mit en colère ; si jamais j’avais été en poste, jamais, au grand jamais, une chose du genre se serait passée sans aucune conséquence. Cependant, puisque j’avais été injustement congédiée, je ne pouvais absolument rien faire.

Déjà prête à aller dire ma façon de penser aux maîtres-nageurs et sauveteurs présents, je fus malheureusement interrompue dans mon geste lorsque Catherine s’adressa de nouveau à moi afin de me dire que ce n’était pas ma faute si elle avait eu les larmes aux yeux précédemment. Très curieuse de nature, je ne pus m’empêcher de demander, sans réfléchir : « Pourquoi alors ? », et lorsque je réalisai mon erreur, je me pinçai honteusement les lèvres, et je me rattrapai en disant : « Je suis désolée, c’était indiscret de ma part… »

Lorsque Catherine me demande si je ne me suis pas fait mal, je lui fais signe que non, puis je me gratte discrètement l’arrière de la tête, espérant qu’elle prenne ça pour un tic, puisque je m’efforçais de ne pas rien chercher, me contentant d’esquisser un sourire soulagé quand elle me dit qu’elle va bien. En fait, j’étais en train de chercher si je ne m’étais pas fait mal à l’arrière de la tête lorsque je m’étais cognée. Je ne sentis rien de liquide, donc je ne saignais pas. Comme je le pensais, je ne m’étais pas cognée brutalement, et le pire qui pourrait arriver, c’est que j’aurais une vilaine bosse pendant quelques jours, mais sans plus. En gros, ce n’était rien qui méritait d’être signalé, et je me félicitai intérieurement de ne pas avoir alarmé inutilement Catherine, surtout que celle-ci était dans un état qui faisait en sorte que me plaindre revenait à faire une énorme grossièreté.

Ne m’occupant plus de ma bosse, je m’affaire plutôt à aider Catherine à sortir de l’eau, puisqu’elle semblait en manifester le désir. Cependant, je réalise rapidement que contrairement à lorsqu’il est question d’entrer dans l’eau, elle n’a pas vraiment besoin d’assistance. Malgré tout, j’attends qu’elle soit totalement sortie de l’eau, puis installée dans son fauteuil avant de remonter à mon tour, n’utilisant même pas les escaliers, mais me hissant plutôt à partir du bord, tout simplement. Une fois debout, compte tenu que je n’avais pas prévu d’aller dans la piscine, donc que je n’avais pas de serviette sur moi et que j’étais venue à pied rendre visite à ma sœur, le seul moyen que j’avais de me sécher un peu, c’était d’essorer mes vêtements à la main. C’est ce que j’entrepris donc de faire, jusqu’à ce que Catherine ait la bonté de me donner une serviette. Je la remerciai d’un sourire timide et d’un simple « merci », puis après avoir légèrement essoré mes cheveux et essuyé mes jambes et bras, je passai la serviette autour de moi, écoutant Catherine s’excuser de cette trempette improvisée. Même si je ne savais pas vraiment de qui elle parlait lorsqu’elle soulevait le nom de Marley, je jugeai préférable ne pas poser de questions et dire tout simplement :

« C’est pas grave. Je me changerai une fois chez moi, je n’habite pas très loin. »

J’allais proposer à Catherine de la raccompagner jusqu’à sa chambre, mais jugeant déjà que j’avais trop parlé en demandant pourquoi, je ne trouvai pas les mots pour faire une telle suggestion. Je préférai l’écouter me répondre, progressivement rassurée qu’elle ne l’ait pas mal pris, mais aussi que ça ne me concerne pas directement. C’est sûr que malgré ce soulagement, je ne peux pas m’empêcher de me sentir triste pour Catherine. Je l’avais connue comme étant une grande sportive, et maintenant, coincée dans un fauteuil roulant, la vie ne devait pas être facile. En tout cas, je savais que dans ma situation, avec trois enfants en bas âge, incapable de rester en place, je péterais les plombs, c’était certain. Bien sûr, c’était là que mon avis, et je me devais de le garder. Cependant, sans que je le veuille, je ne pus m’empêcher de lâcher, sans réfléchir vraiment : « Les choses changent drôlement vite, en dix ans… » Je n’avais pas cette pensée seulement pour Catherine, mais aussi pour moi ; à la regarder, à me regarder, on dirait que ça faisait une éternité que je ne l’avais pas croisée…

De nouveau, poliment, je déclinai la proposition de Catherine en affirmant gentiment : « Ça va aller, je vous assure. Dans le pire des cas, si jamais je suis trop trempée, je vais appeler mon mari pour qu’il vienne me chercher. Mais c’est très gentil de votre part. », la gratifiant d’un sourire à la fin. Il est vrai que cette solution pourrait être plausible, comme celle de marcher comme je l’avais fait pour venir jusqu’à l’hôtel, ce qui ne me prendrait probablement pas plus que quinze minutes, mais dans le meilleur de cas, j’allais me débrouiller pour rentrer seule, compte tenu que dans le cas où je fasse une telle requête, il faudrait que James réveille les enfants pour venir me prendre. De ce fait, j’allais sûrement l’éviter, mais je la gardais toujours en considération.

De plus, cela ne voulait pas dire que j’étais obligée de partir maintenant ; il ne faisait pas nécessairement froid, et me sécher au soleil, j’avais bien l’habitude de le faire, sans parler du fait que lorsque j’entendis la jeune femme me parler de son chien d’assistance dans sa chambre, je me sentis bien mal de refuser, en fin de compte. Je me disais que si elle me soulevait la question, c’est forcément parce qu’elle ne disait pas seulement cela pour être polie. Même si l’idée me rendait légèrement gênée, je finis par hausser les épaules et finalement affirmer : « Je peux toujours venir avec vous afin de sécher un peu, si vous voulez bien. » en laissant mon sourire s’élargir. À mes yeux, cela semblait un compromis raisonnable pour le moment, et si jamais je me sentais un peu plus à l’aise, peut-être je pourrais lui demander des vêtements de rechange. Cela impliquerait bien sûr que je revienne lui redonner par la suite, et donc un nouveau passage à l’hôtel, mais ça, je n’y pensais pas vraiment pour l’instant, ce n’était certainement pas le moment, surtout pas en pleine réflexion concernant le temps qui passait on ne peut plus vite.

D’ailleurs, je n’avais pas vraiment songé avant de lâcher un commentaire sur ce sujet, au fait que Catherine était en fauteuil roulant. En réalité, je n’y pensais pas parce que je ne l’avais pas connue ainsi, et de ce fait, je ne voulais pas la considérer autrement, surtout parce que je ne voulais pas l’insulter. Cependant, c’est ce que je pensai avoir fait après avoir affirmé un tel propos. Je fis alors un sourire triste, à la limite de la culpabilité. Je me surpris même à pincer les lèvres, à me gratter l’arrière de la nuque pendant une seconde, et réfléchir à une façon de me sortir de ce mauvais pas. Je me voyais bien mal commencer à raconter ma vie pour rendre la chose plus joyeuse, et de ce fait, la seule chose que je trouvai à dire, ce fut : « Voulez-vous qu’on retourne à votre chambre maintenant ? Quel est le numéro ? Je connais les lieux par cœur. »