Aujourd’hui, je me devais d’aller faire un détour chez ma grande sœur. Premièrement, j’avais appris que son couple n’allait pas aussi bien que je l’aurais espéré pour elle, et de plus, je lui avais acheté un petit cadeau, à savoir une boîte de chocolats, afin de la remercier d’avoir gardé mes enfants le soir de mon anniversaire de mariage, puisque c’était partiellement grâce à elle et son aide que j’avais pu passer une soirée exceptionnelle avec mon homme. J’allai donc à la porte de son appartement, étonnée de voir qu’elle n’y était pas, puisqu’il était quand même tôt dans la matinée. Qui sait; peut-être dormait-elle encore, où elle était sortie. Décidant de ne pas m’en faire, je choisis de repasser plus tard, rentrant pour le moment chez moi pour m’occuper de ma petite famille. Afin de raccourcir mon trajet, je décidai de passer par la plage. Je m’y arrêtai toutefois de façon brusque quand je vis une silhouette qui m’était familière allongée sur le sol. Prise de panique, je courus vers celle que je croyais être ma sœur, et quand je vis que c’était bien elle, je m’agenouillai à ses côtés, laissant tomber la boîte de chocolats par terre, et je secouai mon aînée en lui disant : « Naïs ! Réveille-toi ! », oubliant tout ce que j’avais pu apprendre sur le sauvetage, ayant trop peur pour ma grande sœur en ce moment.

Lorsque je sentis ma sœur bouger, je cessai sitôt de la secouer, prête à la prendre dans mes bras tant j’étais soulagée de constater qu’elle s’était seulement endormie et non évanouie comme je l’avais craint. Cependant, je fus interrompue dans mon élan d’affection quand Naïs commença à parler sur un ton plaisantait qui ne lui ressemblait pas, ou du moins, qui laissait paraître qu’elle avait pris un coup de trop. Pour cette raison, je ne répondis pas à ses questions, jugeant que cela ne servait à rien de lui dire que la boîte de chocolats était en fait pour elle, alors qu’elle était en train de supposer qu’elle était pour mon homme. De plus, si je lui avais répondu, je l’aurais sûrement fait en la taquinant un peu, mais lorsque je vis ses yeux se remplir de larmes, j’eus un pincement au cœur, et je la pris dans mes bras, tentant d’ignorer l’odeur d’alcool qui se dégageait des vêtements et de l’haleine de ma grande sœur. Doucement, je lui dis, histoire qu’elle ne croit pas que je ne m’occupe pas de ses propos : « Je comptais le garder, t’inquiète. Mais toi, tu ne m’as toujours pas dit ce qui s’est passé avec le tien… Qu’est-ce qui ne va pas, sis’ ? »

Je m’efforçai de me montrer patiente tandis que ma sœur aînée me racontait ce qui s’était passé, considérant que dans son état, ce n’était pas simple de tout débouler d’un seul coup. Puis, quand elle me raconta ce qui s’était passé avec son petit ami, je sentis mes yeux s’écarquiller de plus en plus, étonnée, choquée, frustrée, nommez tous ces mots qui finissent par un « ée » et qui représentent des sentiments confus. L’espace d’un instant, je ne sus pas quoi dire, ayant mal pour Naïs, et ce que je fis donc, c’est que je la pris dans mes bras et je la serrai fort contre moi, la berçant comme s’il s’agissait d’un de mes enfants. Je déposai mon menton au sommet de sa tête, me surprenant même à faire de petits « chuts » pour tenter d’atténuer ses pleurs, lui répondant doucement : « Non, Nais. Tu as de la peine, et c’est normal… » Je m’interrompis là pour le moment, ayant la gorge serrée de voir ma sœur aussi triste au point de se saouler et dormir sur la plage.

Je resserrai mon étreinte sur Naïs quand elle me dit qu’elle en avait assez, tout simplement parce que dans l’immédiat, je ne savais pas quoi lui répondre. Je n’avais pas envie de dire n’importe quoi alors que je ne savais pas de quoi elle était sursaturée. De souffrir à cause de Noàm ? De s’envoyer ainsi en l’air et se retrouver dans un état lamentable ? Je n’osais pas le demander, c’était trop délicat. De ce fait, je tentai de comprendre de moi-même, de me mettre dans sa peau pour tenter de saisir le sens de son propos. À mon grand étonnement, je le compris plus que je ne l’aurais cru, l’aurais surtout voulu en fait; mes pensées me ramenèrent aussitôt à il y a environ un an et demi de cela, à savoir quand j’avais appris que James m’avait trompé. Je me rappelais surtout de comment je me sentais, comment j’aurais pu avoir la même réaction que ma sœur, sauf qu’avec deux enfants à la maison, je m’étais surtout contenté de ne pas dormir et ne pas manger jusqu’à l’épuisement. Tout ça pour quoi ? Pour une simple et bonne raison, qui me faisait comprendre pourquoi Naïs en avait assez. Je ne fis que lui demander, tout simplement : « Tu l’aimes vraiment, hein ? »

Je ne peux m’empêcher de faire un sourire triste lorsque Naïs me rappelle le fait qu’en amour, avec elle, c’est toujours blanc ou noir. Ça, je le sais pertinemment ; avec Naïs, c’est soit une histoire d’un soir, soit l’homme de sa vie, comme dans le cas présent. Il n’y a pas de zones grises, et c’est ce qui fait en sorte qu’elle tombe de haut quand il arrive quelque chose. Le principe de l’homme de sa vie, je sais c’est quoi. Je l’ai vécu, et je le vis encore à chaque jour. Par contre, je ne peux pas me permettre de lui dire de se battre pour celui qu’elle croyait être l’amour de sa vie si elle ne voulait pas le laisser partir, comme je ne pouvais pas affirmer le contraire. En ce moment, elle est trop vulnérable, et personnellement, ça me tue de la voir ainsi. Elle est impuissante dans cette posture et ne peut rien faire tant qu’elle ne s’est pas ressaisie ne serait-ce qu’un peu. Puis, brusquement, je changeai de sujet, mais je jugeai que c’était là la meilleure chose à faire, et je lui dis : « Allez, viens, on va te débarbouiller un peu. Tu vas prendre une bonne douche pour commencer, sinon, je te lance à l’eau, compris ? »

Contente de voir que Naïs semblait vouloir collaborer afin que je la raccompagne jusqu’à son appartement et que je fasse en sorte qu’elle prenne une douche, et peut-être même qu’elle mange un petit quelque chose pour dissimuler les effets de l’alcool, je me relevai. Furtivement, je repris la boîte de chocolats que j’avais apportés pour donner à ma sœur, soulagée que le paquet ne se soit pas ouvert dans ma précipitation quand j’avais vu Naïs allongée par terre. Je me retournai juste à temps pour voir ma sœur commencer à tanguer, et rapidement, je m’approchai d’elle, la rattrapant en la soutenant par la taille afin qu’elle ne tombe pas de nouveau. En l’écoutant rire, je ne peux m’empêcher de rire à mon tour, même si la situation n’est pas vraiment la plus amusante qui soit. Je repris mon sérieux quelques secondes après, et je dis : « Toi, tu as vraiment besoin de te décrasser ! Allez, hop, on bouge ! » Nous commençâmes donc à marcher, et de mon côté, je m’assurai de continuer à soutenir ma sœur, mais après un petit moment, elle devenait légèrement lourde à porter, si bien que je me demandais si j’arriverais à la ramener à son appartement comme ça, malgré le fait que j’avais décidé de raccourcir le trajet en passant par la piscine. Justement, quand nous y arrivâmes, celle-ci était déserte, me donnant ainsi une idée des plus sadiques. Laissant la boîte de chocolats sur une chaise, je serrai la taille de ma sœur de mes deux bras, et je dis : « Allez, à la douche ! », et je la tirai avec moi jusqu’à ce que nous tombions dans la piscine, toutes habillées.

Tandis que je sentais ma sœur aînée se cramponner alors que moi, je touchais dans le fond de l’eau facilement, ce qui traduisait sa surprise et peut-être sa crainte, je ne pus m’empêcher d’éclater de rire comme une vraie gamine. Il y avait si longtemps que je ne lui avais pas fait un coup pareil ! Enfin, ce n’était pas moi la première dans la famille à jouer des mauvais tours comme ça, les jumeaux étant maîtres dans cet art, mais de temps en temps, c’était toujours bien amusant, et dans le cas présent, c’était surtout pratique, puisque sitôt la peur passée, Naïs commença à rire aussi fort que moi, donnant ainsi aux passants le portrait de deux filles toutes habillées en train de s’époumoner par leurs éclats de rire, qui devait être fort ridicule. Moi, je m’en moquais complètement, je m’amusais beaucoup trop pour m’occuper de ce que les gens pouvaient penser de moi. Je m’amusais tellement que j’eus du mal à dire clairement : « Oh mon Dieu, si seulement tu avais vu ta tête… Hey ! » En effet, je m’étais interrompue lorsque Naïs m’avait envoyé une salve d’eau au visage, prenant à ce moment un air faussement offusqué. J’ajoutai par la suite : « Tu vas me le payer, ma vieille ! », et je l’éclaboussai à mon tour, plus fort que ce qu’elle m’avait envoyé. Sa revanche s’annonçait grande, et la pagaille que nous allions semer, sûrement gargantuesque.