Assise en boule dans le coin d’une pièce sombre, froide et sans aucune fenêtre, les seules envies que j’ai actuellement, c’est pleurer, hurler, frapper contre un mur. Le problème, c’est que je ne peux pas frapper quelconque mur sans me blesser, puisque tout est en pierre, je ne peux pas hurler, puisque je sais que ça ne sert à rien, et je ne peux pas pleurer, parce que je sais que je n’aurai personne pour me réconforter. Je ne suis pas seule dans cette cellule de fortune, mais je sais clairement que la personne avec moi ne saura pas me rassurer si je ne trouve pas les mots pour m’expliquer, pour qu’il me croie, pour qu’il sache que je dis la vérité. En effet, Shawn et moi, tandis que nous étions avec quelques uns de mes amis, ou ce que je croyais mes amis, nous avons été enlevés, puis enfermés. Je ne sais pas ce qu’ils veulent, pourquoi ils ont fait ça. Tout ce que je sais, c’est qu’ils ont fièrement dit que j’étais à la base de tout ce complot, alors que je n’y étais tout simplement pour rien. Pourtant, je me sentais mal comme si c’était le cas, d’autant plus que j’étais paniquée de ne pas pouvoir sortir d’ici, mais aussi que Shawn ne puisse pas sortir. Incapable de supporter cette pression plus longtemps, je finis par poser mon front sur mes genoux, sanglotant et disant « Je suis désolée… » dans un murmure.

L’entendre me dire que je mens, ça me donne un coup de poignard en plein cœur, et je n’arrive même pas à le regarder pour lui répondre dans un premier temps. Après tout, c’était si bien orchestré que j’y aurais peut-être cru, moi aussi, si j’avais été à la place de Shawn. Pourtant, c’était moi qui avais été prise comme appât, et au fond de moi, je savais clairement que je ne mentais pas ; je n’avais jamais rien su de ce qui se passait. Je n’avais jamais rien demandé de tout cela. Tout ce que j’avais voulu, c’était que tout se passe bien entre Shawn et moi, comme c’était le cas depuis que nous étions arrivés en Afrique. J’avais eu l’impression de retrouver l’amoureux que j’avais perdu il y a quatre ans, mais soudainement, tout cela venait nous tomber dessus, et pour en rajouter une couche, nos ravisseurs, que je croyais connaître, me faisaient porter le chapeau, venant ainsi complètement me détruire. Pourtant, j’étais bien déterminée à ne pas lâcher mon point, peu importe si Shawn me croyait ou non, peu importe combien de temps il faudrait que j’insiste pour qu’il me croie innocente, et surtout sincère dans tout ce qui s’était passé depuis le moment où j’étais entré dans son bureau, aux Bahamas. Je relevai donc la tête, ne cherchant même pas Shawn du regard, et je dis sur un ton sec, mais qui laissait transparaitre un certain désespoir : « Tu crois vraiment que je serais enfermée aussi si j’étais dans le coup !? J’y suis pour rien ! »

J’étais bien consciente et limite compréhensive par rapport au fait que Shawn pouvait croire que j’avais quelque chose à voir avec cet enlèvement, mais quand il commença à m’invectiver, à redevenir aussi froid et distant que je l’avais revu la première fois, je commençai à avoir de plus en plus de mal à le supporter. Maintenant, c’est moi qui me demandais si ce n’était pas lui qui avait joué la comédie pendant tout ce temps, puisque s’il tenait réellement à moi, peut-être il me croirait, beaucoup plus que ces personnes dont il ne connaissait probablement même pas l’identité, ou même très peu. Quand il souleva l’idée que j’avais besoin d’argent, c’est moi qui se sentis insultée, trahie. J’eus envie d’éclater, de lui hurler dessus à mon tour, mais justement, parce que c’était Shawn qui était devant moi, dans le noir, je n’arrivai pas à dire tout ce qui me passa par la tête, étant seulement capable de dire, la voix cassée : « Comment oses-tu croire une chose pareille de ma part !? Est-ce que je t’ai déjà fait quoi que ce soit dans le passé qui puisse te faire croire ça !? Réfléchis un peu, c’est insensé ! »

Lorsqu’il était question de garder mon calme, jamais je n’avais été des plus patientes. Dès qu’on me cherchait un peu trop, le filtre qui avait commencé se construire pendant mon séjour aux Bahamas entre mes paroles et mes pensées tombait complètement. J’avais essayé de faire un effort pour Shawn, même si je m’étais montrée complètement désemparée, mais compte tenu du dernier propos qu’il venait de tenir, je n’en pouvais plus. C’était bien court comme délai, j’aurais pu être plus conciliante compte tenu de la situation, mais blessée comme jamais, je ne pus le faire. Je me levai de mon coin, toujours les larmes aux yeux, et je dis : « Non. Ce qui est insensé, c’est que tu décides de croire des personnes que tu ne connais même pas plutôt que moi ! Je suis restée pendant des semaines dans un endroit que j’avais du mal à supporter ! Et tout ça pour qui ? Pour toi ! Je t’ai attendue pendant des semaines, j’ai tout fait pour toi ! Si c’était pour une histoire d’argent, de rançon ou je ne sais pas quoi, crois-moi, j’aurais lâché bien avant, parce que de l’argent, j’en ai rien à faire, et je croyais que tu le savais ! Je croyais que tu me connaissais mieux que ça, mais visiblement, j’ai eu tort… » Puis, histoire de ne pas commencer à dire des choses que je pourrais réellement regretter cette fois-ci, je me tus, et j’appuyai mon dos sur le mur, levant la tête, comme si je cherchais un signe pour me sortir de cet enfer.

En me pinçant les lèvres jusqu’à ce que je sente mes dents s’y enfoncer, je réprimais une envie de hurler qui m’avait prise au moment où Shawn m’avait dit encore une fois qu’il ne me croyait pas. Il me donnait cette impression horrible qu’il n’y avait rien à faire, comme s’il était devenu un robot, que nos ravisseurs avaient pris sa personne, la personne que j’aimais, dans cette transition entre la liberté et la captivité. Ça me dégoûtait. Je n’arrivais simplement pas à croire que Shawn puisse se comporter ainsi avec moi, surtout pas après avoir passé de nombreuses semaines ainsi, et qu’il continue à croire que je lui mentais après tout ce dont je lui avais fait part. À ce point, je ne savais plus vraiment quoi faire, sauf peut-être quelque chose de complètement dingue, sans aucune logique. Tant pis, si c’était tout ce qui me restait… Je me détachai du mur sur lequel je m’étais adossée, et je me penchai sur Shawn, et je déposai un baiser à la fois long et désespéré sur ses lèvres. Je ne sais pas combien de temps celui-ci dura, mais lorsque je le lâchai, je hoquetai, et je dis : « Si ça ce n’est pas réel, ce n’est pas la vérité, alors franchement, je ne sais plus ce qu’il l’est pour toi, Shawn… », me reculant de quelques pas à la fin de mon propos, tête baissée.