J’y étais arrivé. Pendant dix ans, j’avais complètement effacé ce rêve, cet espoir de mon esprit, mais finalement, j’y étais parvenu : tout récemment, j’avais eu droit à une petite cérémonie pour attester que je faisais officiellement partie du corps policier de la ville d’East Grand Bahamas. Tout ça, je le devais à Solyne. C’était par son amour, par son soutien, que j’avais finalement retrouvé le courage de faire les démarches nécessaires afin d’accomplir ce rêve que je chérissais depuis que j’étais adolescent. Dans mon excitation, j’avais presqu’oublié que j’avais appris au cours de ma formation, c’était que mon nouvel emploi impliquait également du travail de bureau, et c’était ce à quoi j’étais confiné aujourd’hui. À l’entrée du commissariat, je remplissais de la paperasse à l’approche de l’heure du déjeuner, un bouton détaché sur la chemise qui faisait partie de mon uniforme, et j’étais peu souvent interrompu, jusqu’à ce moment précis ou une jeune femme dans la vingtaine entra soudainement au poste, et se pencha sur le bureau, laissant voir la quasi-totalité de son décolleté. Ce ne fut pas ce qui attira mon attention en premier, mais plutôt son comportement qui laissait voir qu’elle était légèrement, voire beaucoup éméchée. M’efforçant d’être le plus courtois possible, je cherchai à savoir comment je pourrais lui venir en aide, même si la situation serait loin d’être simple, compte tenu que ses propos ne contenaient que des obscénités et phrases incohérentes, à mon plus grand désarroi.

Au bout de seulement quelques minutes à tenter d’écouter les fabulations de la jeune femme, je décide de laisser tomber, et je juge que le mieux, c’est d’attendre un peu avant de la laisser partir, ou du moins qu’elle arrive à dire quelque chose de compréhensible. De ce fait, je me lève, puis je la guide vers un autre commissaire qui va s’occuper du nécessaire. C’est ça son boulot, tandis que le mien, pour aujourd’hui, c’est de rester à l’entrée, justement, et faire le nécessaire, exactement comme ce qui venait d’arriver. De plus, il est hors de question que je laisse l’avant vide pendant un bon moment, donc de ce fait, plutôt soulagé, je me dirigeai de nouveau vers mon poste. Lorsque j’y arrive, en apercevant la magnifique silhouette blonde qui se détache du décor, mon cœur s’emballe automatiquement. Légèrement surpris de voir mon épouse ici, mais aussi heureux, je me dirige vers elle, et je dépose un doux baiser sur ses lèvres avant de caresser tendrement sa joue et dire : « Hey, mon cœur, c’est une belle surprise que tu me fais là ! » Je lui rendis son sourire, mais tout de même concerné de la voir ici en plein milieu de la journée, je lui demande quand même : « Qu’est-ce qui t’amène ici ? Tout va bien ? »

Même si mon épouse me dit de ne pas m’inquiéter, je ne peux pas m’empêcher de le demeurer, et ce fut pire lorsqu’elle me dit qu’il fallait qu’elle me parle, au point que je devais quitter mon poste à l’entrée du commissariat. Je ne pouvais pas lui refuser une telle chose, mais il n’en restait pas moins que je sentais mon cœur battre de plus en plus vite, et ça n’avait rien à voir avec sa présence. Qu’est-ce qu’il y avait de si important pour que Solyne vienne jusqu’au poste et souhaite me parler immédiatement ? Voilà ce qui me rendait nerveux. Malgré tout, j’acquiesçai à sa demande en hochant la tête, puis je glissai ma main dans celle de ma femme pour l’accompagner dans un endroit plus reculé qu’elle avait déjà commencé à chercher. Je la guidai alors à l’écart des allers et venues, puis je m’installai en face d’elle, posant mes mains sur sa taille avant de lui dire d’un air sérieux et inquiet malgré moi : « Qu’est-ce qui se passe, mon ange ? »

Malgré le fait que ma femme venait de me révéler ce qui la tracassait, ce qu’elle tenait tant à me dire, je demeurai nerveux. Pourquoi ? Parce que je ne compris pas tout de suite ce qui se passait, ce qui la rendait aussi inquiète, m’inquiétant par le même fait. Déjà, il me fallut quelques secondes pour comprendre ce qu’elle voulait dire par un « retard », parce que je n’étais pas une fille, même si j’avais les connaissances de base qui évitaient une bonne claque pour tout homme, mais après cela, les conséquences, je n’en étais pas vraiment averti. Même si j’avais décliqué sur le retard après un petit moment, je ne sus pas déduire la suite par moi-même, et je dis, toujours avec cette pointe d’inquiétude qui m’habitait : « Qu’est-ce que ça pourrait être ? Tu es malade ? Tu veux que je t’emmène à la clinique ? Est-ce que ça peut être grave ? »

Lorsque Solyne prononça le mot « enceinte », je sentis un nœud se former dans mon estomac, et je restai estomaqué, la bouche entrouverte, comme si je ne réalisais pas ce qui pourrait se passer. J’essayais de me dire que ce n’était pas certain, ou du moins, que je ne pensais pas que ce l’était, compte tenu de comment ma femme avait soulevé le propos, mais l’éventualité que ce soit le cas, voilà ce qui me rendait aussi choqué. Il me fallut même un petit moment avant de réellement réagir, de trouver les mots pour ne pas blesser mon épouse, et après ce fameux moment, je balbutiai : « Tu… Tu es sûre ? Enfin, comment tu peux le savoir ? Tu peux passer un test, un truc comme ça ? »

Les nerfs à vif, l’envie me prit pendant un instant de demander pourquoi elle ne l’avait pas encore passé, mais compte tenu que j’adorais Solyne, et qu’il était hors de question que je la blesse ou que je provoque une dispute pour laquelle je serais le seul coupable, je pinçai les lèvres et je réfléchis plutôt que de dire quelque chose trop rapidement et surtout que je pourrais regretter. Malgré ce court temps de réflexion que je m’accordai, j’arrivais toujours à la même conclusion ; je ne pourrais pas me détendre ou savoir à quoi m’en tenir tant et aussi longtemps qu’elle ne l’aurait pas passé. Je m’apprêtais à lui demander plus nerveusement que je l’aurais voulu, mais en sentant finalement sa main dans la mienne, je réussis à me détendre légèrement, et je pris le temps de glisser mes doigts entre les siens, de regarder nos deux mains jointes avant de dire : « Veux… Veux-tu le faire maintenant ? On peut rentrer à la maison si tu veux, je n’ai qu’à me faire remplacer… », ne pensant plus vraiment à bosser à cet instant précis.

À la réponse de ma femme, je hochai la tête vivement, ajoutant par le même fait : « Non non, donne-moi seulement une minute, j’arrive. », sachant pertinemment qu’il n’y avait pas moyen que je puisse rester en poste plus longtemps, pas dans cet état d’esprit. Sur ces mots, j’embrassai furtivement Solyne avant de me diriger vers le bureau à l’entrée. Je retrouvai alors mon collègue, puis je lui dis que j’avais une urgence, lui demandant par le même fait de me remplacer pour le peu de temps qu’il me restait à travailler. Heureusement, il accepta, et sitôt, je retournai à la rencontre de mon épouse, je pris ma main dans la sienne, et je dis : « Voilà, on peut rentrer. », tentant tant bien que mal de contrôler ma nervosité, même si c’était plus que difficile dans le cas présent. Nous sortîmes alors du commissariat, direction la voiture, pour finalement aller à notre domicile.